« Beaucoup de plaisir »
Au bout de 21 jours 22 minutes et 43 secondes, Maître CoQ IV a coupé en neuvième position la ligne d’arrivée de la Transat Jacques Vabre ce dimanche à 13h49’53 minutes (heure de Paris). Yannick Bestaven et Jean-Marie Dauris auront parcouru 6526,63 milles (pour un parcours théorique de 5800 milles), à 12,94 nœuds de moyenne réelle. Interrogés peu après le passage de ligne, les deux marins ont raconté cette longue transat dans des conditions météo peu communes.
Copyright : Stéphanie Gaspari
Racontez-nous un peu les derniers milles qui n’ont pas été évidents à négocier…
Jean-Marie Dauris : « Ça a effectivement été un peu long, il n’y avait pas beaucoup de vent quand on est arrivés au Rocher du Diamant, à l’approche de la Martinique. Nous avons eu des grains, de la pluie, pas de vent, on a dû changer plusieurs fois de voiles d’avant, manœuvrer, mais on avait de la marge sur nos poursuivants, donc on n’a pas trop stressé. Mais c’est clair que ça a été sport jusqu’au bout, on n’a pas beaucoup arrêté et on n’est pas mécontents d’être arrivés ! Yannick Bestaven : « Ça fait effectivement du bien d’être ici ! En plus, on est arrivés juste à l’heure de la messe, on a été accueillis par les cloches des églises de Fort-de-France, c’était sympa ! »
Quelle saveur a cette neuvième place ?
Yannick : « Ça s’est vraiment joué à pas grand-chose, on aurait pu tout aussi bien terminer sixièmes, ce qui aurait été un super résultat. On finit neuvièmes parce qu’on a raté un coup météo : depuis les Canaries, nous étions à la bataille avec Giancarlo Pedote et Martin Le Pape (Prysmian Group) et avec Romain Attanasio et Sébastien Marsset (Best Western Fortinet), et jeudi, nous sommes restés bloqués sous un nuage, nous avons alors perdu 70 milles sur eux. »
Jean-Marie : « Ça s’est effectivement joué à un nuage, ils ont réussi à passer devant, alors que nous nous sommes fait arrêter. Derrière, nous n’avons jamais réussi à refaire notre retard. »
La régate a été quasiment incessante avec eux, comment l’avez-vous vécue ?
Yannick : « C’était une super bagarre entre des bateaux assez équivalents, on a fait un sacré bout de route ensemble depuis les Canaries. C’était un coup à toi, un coup à moi, ça s’est joué à un mauvais timing d’arrivée sur ce fameux nuage, mais c’est le jeu de la régate et on a vraiment pris beaucoup de plaisir à batailler avec eux. Ça nous a tous fait avancer plus vite que si on avait été seuls dans notre coin, c’était bien motivant. »
Finalement, le résultat est à peu près conforme à ce que vous attendiez ?
Yannick : « Nous sommes à la place où nous devons être, c’était difficile de faire beaucoup mieux. En tout cas, je pense qu’après cette transat, il n’y a plus de débats sur les grands foilers : nous les avons vus partir à Etretat et après, nous ne les avons plus revus ! Aujourd’hui, c’est incontestable, plus tu as des grandes ailes, plus tu vas vite, c’est pour ça que nous avons choisi de nous lancer dans la construction d’un nouveau bateau, avec Maître CoQ. »
La course a été plus longue que prévu, dans quel état physique arrivez-vous ?
Yannick : « C’est vrai que ça a été très long, nous n’avons pas eu d’alizés le long de l’Afrique et le bord depuis le Brésil a été compliqué. Mais effectivement, on arrive plutôt frais, c’est aussi parce qu’en double, on encaisse forcément mieux les manœuvres qu’en solitaire. On a en revanche beaucoup souffert de la chaleur et de la moiteur, il fait chaud depuis les Canaries, ça n’a pas été facile. »
Jean-Marie : « Ça a été la salle de sport tous les jours, notamment sur ces 2000 derniers milles depuis le Brésil, on a fait beaucoup d’empannages au début dans du vent assez fort, il a fallu travailler, mais à l’arrivée, nous sommes plutôt en forme, on a quand même réussi à se reposer. Maintenant, c’est vrai qu’on pensait que ça serait un peu plus rapide, on a eu beaucoup de molles et de zones de transition dans lesquelles nous étions arrêtés et où il fallait bosser dur pour repartir. On n’a pas eu les alizés bien établis qu’on espérait, mais ça a été la même chose pour tout le monde. »
Qu’avez-vous appris l’un sur l’autre ?
Jean-Marie : « J’ai plus eu confirmation de certaines choses sur Yannick, notamment sur son mode de fonctionnement, le fait d’avoir été à ses côtés pendant trois semaines m’a permis de mieux comprendre comment il navigue en solitaire sur un Imoca. Même si sur ses courses précédentes et notamment le Vendée Globe, on se parlait tous les jours, ce n’est pas le même ressenti que si tu es à bord. Dans le cadre de la préparation pour le prochain Vendée, c’est intéressant d’avoir vu de l’intérieur comment il fonctionne en course. »
Yannick : « J’ai plus appris des petites choses techniques, sur les réglages notamment, parce qu’avec Jean-Marie, on se connaît depuis tellement longtemps qu’on n’apprend plus grand chose l’un sur l’autre. Si, j’ai découvert que je râlais plus que lui ! C’était sympa de partager cette dernière course avec Jean-Marie qui a vécu aussi beaucoup de choses sur ce bateau, il m’a beaucoup aidé sur sa préparation pour le Vendée Globe, il le connaît par cœur, il sait exactement comme le faire marcher. Et il l’a bien préparé avec l’équipe, puisque Maître CoQ IV revient nickel, on n’a rien cassé, il est prêt à repartir demain !»
Yannick, c’était ta dernière course sur Maître CoQ IV qui t’a apporté beaucoup de satisfaction et la victoire sur le Vendée Globe, y as-tu pensé dans les derniers milles ?
Yannick : « Oui, c’est sûr que j’y ai pensé. Avant d’arriver, j’ai fait le tour du propriétaire, j’ai embrassé le bateau, le mât, je lui ai dit merci pour tout ce qu’il m’a donné depuis trois ans, il y avait un peu d’émotion. Une belle histoire qui va se poursuivre avec un nouveau bateau qui va arriver vite. »
Et la suite à très court terme ? Du repos ?
Jean-Marie : « Maître CoQ IV va rester quelques jours en Martinique avant de repartir pour une traversée en course*, avec à son bord son nouveau propriétaire, Damien Seguin, Jean-Charles Monnet, son boat-captain ; mais aussi, Adrien Bernard du team voile Maître CoQ et moi-même. Deux semaines de mer qui mèneront notre Maître CoQ IV jusqu’à son nouveau port d’attache, Lorient, où Damien et son équipe se sont établis. »
Yannick : « Pour ma part, je ne vais pas souffler beaucoup puisque dès vendredi, je serai à Paris pour l’avant-première du film « Les Rêves ne meurent jamais » avant son lancement le dimanche 5 décembre. Je serai aussi sur le Nautic pour des dédicaces de mon livre « Mon Tour du monde en 80 jours », co-écrit avec Eric Loizeau (éditions Gallimard). Un joli planning qui va me permettre de partager avec le plus grand nombre mon histoire avec Maître CoQ, mon fidèle partenaire qui me suit avec mon équipe jusqu’en 2025. »
* Principe de cette course appelée « Retour à La Base » : Une ligne de départ, située au nord de l’île, a été ouverte le 27 novembre et ce pendant plusieurs jours. Chacun pourra ainsi s’élancer quand il le souhaite. Le chrono sera déclenché au départ puis stoppé au franchissement de la ligne d’arrivée, à l’entrée de la rade de Lorient. Les équipages ayant traversé le plus rapidement se verront récompensés.
Prochaines actualités du team voile Maître CoQ
- Dimanche 5 décembre 18h00 : sortie nationale dans tous les cinémas partenaires, du film Les Rêves ne meurent jamais ».
- Samedi 4 décembre de 14h30 à 16h30 : Yannick dédicacera son livre « Mon tour du monde en 80 jours » co-écrit avec Eric Loizeau aux Editions Gallimard sur la stand du Chasse-Marée au Nautic de Paris.
- Lundi 6 décembre : Remise de sa médaille de chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur par le Président Emmanuel Macron.
- Juin 2022 : Mise à l’eau de Maître CoQ V
- Novembre 2022 : Route du Rhum 2022